La France peut-elle rester une grande puissance spatiale ?
Le 19 décembre 1961, Charles de Gaulle acte la naissance du Centre national d’études spatiales, le Cnes. Quatre ans après, la France devient le troisième pays au monde, après les Soviétiques et les Américains, à réussir une mise en orbite avec le satellite Astérix. Soixante ans plus tard, le spatial français est-il toujours en pointe ?
« La France dispose toujours des capacités spatiales propres aux grands pays. Nous avons un accès à l’espace, avec le port spatial de Kourou en Guyane, ce qui est une condition sine qua non pour lancer des fusées. Certains pays sont obligés de négocier ou de payer pour accéder à des pas de tirs, ne l’oublions pas. Par sa position géographique, proche de l’équateur, Kourou est idéal pour desservir à la fois l’orbite basse et l’orbite géostationnaire et donc assurer une variété de missions.
Côté fusée, nous disposons de la famille Ariane, qui doit encore s’agrandir avec Ariane 6 l’année prochaine et est l’un des lanceurs les plus fiables sur le marché. La France possède une industrie spatiale importante, avec Airbus et Thales. Cette industrie est effectivement partagée avec nos voisins européens car l’avenir du spatial français ne peut pas être déconnecté de l’avenir du spatial européen. À ce titre, même si tout n’est pas parfait, l’Europe a su tirer son épingle du jeu, avec des programmes spatiaux scientifiques de grande qualité et reconnus internationalement.
Peut-être, oui, que certaines ambitions sont revues à la baisse par le jeu des compromis européens. Pour autant, il serait faux de dire que l’Europe bride les capacités françaises, car elle les finance ! Il faut bien comprendre que l’espace mobilise des budgets importants, qui sont aujourd’hui partagés. Réintégrer ces coûts au niveau national serait considérable. Une politique spatiale européenne est donc à la fois un choix et une nécessité, avec plus de bénéfices que de contraintes pour la France.
Missile antisatellite : l’espace, nouveau champ de bataille des grandes puissances ?
Côté militaire, nous sommes l’un des rares pays au monde à s’être doté d’une capacité spatiale, avec des satellites d’observation de la Terre à des fins militaires, la série CSO, des satellites d’écoute et d’interception de signaux électromagnétiques, le programme Ceres, et des satellites de télécommunications protégés contre les attaques, le programme Syracuse. Seuls les États-Unis, la Russie et la Chine disposent de capacités semblables.
J’entends ceux qui déplorent l’absence d’acteurs privés innovants du « new space », tels des SpaceX ou Blue Origin à la française. Mais rappelons déjà que le paysage industriel en France n’est pas du tout celui des États-Unis. Nous n’avons pas de Gafa ou de milliardaire des télécommunications capable d’injecter un million de dollars par an à perte dans une entreprise. Ensuite, le spatial reste encore aujourd’hui un domaine d’investissement étatique, même outre-Atlantique. SpaceX n’existe que grâce à la commande publique de la Nasa, et les flux financiers qui irriguent les entreprises américaines du spatial proviennent de l’argent public. »
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